Article de presse de L'Union du Cantal

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Fabien Kaczmarek : l'alchimiste de l'hydromel (article du 02 mars 2019) 

PORTRAIT

VIN DE MIEL Arrivé il y a 15 mois à Marcolès, le Nordiste Fabien Kaczmarek élève son hydromel à la façon d’un vigneron passionné d’oenologie. Un produit haut de gamme, apprécié des chefs.

Fabien Kaczmarek : l’alchimiste de l’hydromel

En entrant dans l’atelier de Fabien Kaczmarek à Marcolès, on se croirait un peu dans l’antre secrète d’un alchimiste des temps modernes. Ici, pas de pierre philosophale ni de précieux métal, mais des pots de miel, du pollen, des bonbonnes d’eau de source, un alambic qui attend patiemment son heure dans un coin... Licencié de physique appliquée, ce trentenaire - qui a quitté le Nord après des métiers aussi divers que correspondant de presse, téléconseiller, gendarme adjoint, restaurateur dans la brasserie de sa mère -a entrepris de mettre sa science au service d’une passion, née il y a quelques années, pour un nectar à la couleur d’or : l’hydromel.
“Mon premier hydromel, c’était du vinaigre !”, s’amuse Fabien Kaczmarek qui, avec sa petite famille, a posé ses valises dans ce coin de Châtaigneraie en novembre 2017. Bien loin de la boisson des dieux décrite par Aristote ou Pline l’ancien... D’un voyage à Madagascar, il ramène un miel de grande qualité et poursuit ses essais afin de mettre au point sa recette de fabrication. “Je connaissais le produit par la littérature, je me suis autoformé en lisant des livres sur la vinification, l’oenologie...”, explique celui qui a étrenné sa première cuvée marcolésienne à l’automne dernier.

Fabien Kaczmarek

Miel de qualité et eau de Teissières

Les essais se succèdent, les échecs aussi, les clients de la brasserie familiale servant de cobayes consentants aux dégustations. Une persévérance qui va être récompensée au point qu’il décide d’en faire son activité avec l’exigence d’un produit haut de gamme, à l’image des grands crus. “Je préfère vraiment m’orienter vers des produits de grande qualité, en petite quantité. En France, on n’est que trois à travailler comme cela. Ça reste vraiment une micro-niche, de l’ultra artisanal”, souligne Fabien, dont le projet a été accompagné par l’Adepa et a reçu le soutien de la municipalité marcolésienne. Depuis, il s’attelle à démarquer auprès de ses clients potentiels son produit de ceux fréquemment proposés sur le marché hexagonal : “de l’hydromel souvent issu de miels d’importation à bas prix, très fort en alcool, dont le goût rebute souvent les gens”.
Le néo-marcolésien à la tête d’Apis Terrae(1) (terre d’abeilles) aime à se qualifier davantage comme vigneron du miel que comme producteur d’hydromel, accordant un soin tout particulier à la sélection de sa matière première. À commencer par le miel, exclusivement d’acacia et d’aubépine qu’il achète notamment à un “excellent professionnel”, un apiculteur de Bagnac-sur-Célé. À raison de 1,5 tonne pour la production d’une année (en régime de croisière) à savoir 3 000 litres d’hydromel soit 6 000 bouteilles. Du miel non chauffé(2), du pollen également, des levures alcooliques spécifiques et de l’eau. Mais pas n’importe laquelle : celle des sources de Teissières-les-Bouliès. “Une des sources les plus proches, d’excellente qualité, issue d’un forage profond, qui provient des Monts d’Auvergne”, vante le Nordiste tombé lui aussi amoureux de l’Auvergne, du Cantal et de la Petite Cité de Caractère®.

Vigneron et... bouilleur de cru

Avec des débuts prometteurs : les 800 premières bouteilles sorties à l’automne de sa “cave”, aménagée par la commune dans l’ancienne scierie du Cassagnol, ont toutes été commercialisées auprès de restaurateurs, épiceries fines, cavistes, particuliers du Cantal et de départements limitrophes. Elles ont aussi tapé dans l’oeil et au palais du chef étoilé Renaud Darmanin, dont l’Auberge de la Tour est située à quelques encablures à peine de l’atelier d’Apis Terrae. Elles figurent également sur la carte d’Adrien Descoul (Le Broc à Issoire) comme au Mozart à Aurillac.
L’éleveur d’hydromel entend bien faire découvrir sa grande cuvée à d’autres grands noms de la gastronomie : des Bras, Vieira..., convaincu que ce produit ancestral, remis au goût du jour, se décline de mille façons en cuisine, comme dans ce petit camembert rôti qu’il a lui-même expérimenté. L’émission Les Carnets de Julie ont aussi offert une visibilité à Apis Terrae : “Deux heures après la diffusion, les 40 bouteilles de stock sur mon site Internet étaient épuisées !”
Toujours en quête de nouveaux arômes, Fabien Kaczmarek réalise des cuvées limitées, comme cet hydromel au safran infusé, tout à la fois délicat et fragile. Dans cet autre flacon à la couleur rosée d’où s’échappe un odeur de litchee, c’est une plante lointaine qui a apporté son parfum subtile : des roses de Damas. Cet infatigable chimiste s’est aussi improvisé bouilleur de cru en distillant de l’hydromel en vue d’en extraire de l’eau de vie. Le résultat ? “Un produit très aromatique, et plutôt prometteur, mais qui va demander du travail pour viser sa commercialisation”, analyse Fabien.

Niche

L’Hexagone ne compte qu’une maigre poignée de véritables producteurs artisanaux d’hydromel. Un produit de niche sans aucune comparaison avec les hydromels importés.

Histoire : La boisson des dieux...

L’histoire ne dit pas si l’on buvait jadis de l’hydromel dans la cité médiévale de Marcolès, mais il y a fort à parier que ce fut le cas. L’hydromel est l’une des plus anciennes boissons alcoolisées consommées par l’Homme. Les premières traces de production de ce nectar des dieux remonteraient à 7 000 av. JC, en Chine. Connu et apprécié des Grecs comme des Romains, avant de conquérir les Gaulois, ce vin de miel est issu d’un processus de fermentation du sucre par l’activité de levures. “Au bout d’un certain degré d’alcool, les levures meurent, sédimentent, constituant ainsi la lie qu’on va sous-tirer”, explique Fabien Kaczmarek. Deux à trois sous-tirages sont nécessaires en fonction de la dynamique fermentaire. Fabien “élève” son vin dans des dames Jeanne dont la transparence permet d’apprécier la couleur magnifiquement dorée de l’hydromel en devenir.
Le vin de miel va y passer neuf mois avant la mise en fût, elle aussi artisanale. Il faut compter une bonne année pour un cru, sachant que, “comme un vin de garde, l’hydromel va continuer à évoluer favorablement, s’il est bien conservé, dans une cave à l’abri de la lumière et de la chaleur”. Le vigneron a choisi de travailler avec des fûts en châtaignier : “Un choix aromatique, proposant un beau mariage gustatif avec l’hydromel, mais un bois beaucoup plus capricieux à travailler...”

PATRICIA OLIVIERI

SANCTUAIRE

Fabien Kaczmarek a un autre projet : celui d’implanter 2 hectares d’aubépine sur un petit coteau surplombant la cité avec l’idée d’un jardin botanique sanctuaire à insectes et oiseaux pollinisateurs. Pour ce faire, il a importé 100 pieds d’aubépine d’Amérique qu’il bichonne avec grand soin. Un projet appuyé par la mairie de Marcolès, dont le producteur salue le soutien et l’implication à ses côtés, notamment via la rénovation intégrale de son atelier d’une centaine de mètres carrés.

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